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DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT FOOTBALL


DÉCONSTRUCTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR FILIÈRE SPORT FOOTBALL

  • INTRODUCTION

Le Coronavirus, ou Covid-19 ne serait-il pas que le révélateur d’une filière business sportif, et en particulier de la chaîne de valeur du Football professionnel, incompatible avec les critères de responsabilité, de facteurs de risque, d’éthique, d’engagement sociétal et de partage de la richesse créée ?


Afin de démontrer mon raisonnement, je m’appuierai sur les données économiques publiées par la DNCG - relativement aux saisons de Football 2017/2018 et 2018/2019.


Pour mieux étayer mes arguments, je proposerai mon diagnostic de la chaîne de valeur intégrée du Football et projetterai mes réflexions sur les différents niveaux de production et de capture de la valeur ainsi créée.


Avant mes développements, je rappellerai le contexte des données économiques collectées et du modèle de la chaîne de valeur.


La DNCG publie à chaque fin de saison les résultats consolidés de l’ensemble des Clubs de Football de ligue 1 et 2. Deux remarques s’imposent à ce niveau-là, à qui veut travailler sur ces informations à caractère économique mais aussi publique.


La première porte sur une insuffisance notoire desdites informations, trop agrégées, insuffisamment détaillées et regroupées de manière incohérente. La seconde porte sur la fréquence et la date de parution : c’est-à-dire une seule fois par an et 10 mois après la fin de la saison - alors que les comptes des clubs sont arrêtés au 30 juin de chaque année.


Le modèle de la chaîne de valeur, concept développé par Michael Porter en 1985, consistant à simplifier l’organisation d’un Club, comme un enchaînement d’activités interconnectées qui développent chacune une valeur plus ou moins stratégique et importante pour ledit club. Elle peut être utilisée pour décrire les combinaisons d’activités mises en place dans le Club en vue de créer un avantage concurrentiel et de proposer une offre commerciale intéressante pour l’ensemble des parties prenantes.


Dans une filière « sport intégré », les chaînes de valeur de chacun des acteurs, Clubs, joueurs, staff technique, managers, salariés, sponsors, spectateurs, diffuseurs, prestataires et fournisseurs, institutions, actionnaires et financeurs se coordonnent et s’imbriquent pour aboutir à la vente de différentes prestations réalisées sous forme de d’évènements et de spectacles auxquels sont associés la commercialisation de produits dérivés.


Sans l’ensemble de ces acteurs, il n’y a pas de produits, ni de prestations finies  accessibles par les clients et chacun contribue et apporte une partie de la valeur.


En somme et en termes de management organisationnel, l’environnement constitue un écosystème, sous forme de facteurs socio-économiques qui influent sur la vie du Club : la concurrence, l’État, la législation sociale, financière et commerciale, les groupes de pression, lobbies, syndicats, associations de consommateurs et les institutions. Autrement dit, ces composantes ne sont pas isolées : elles constituent les parties prenantes de la chaîne de valeur intégrée ; elles s’imbriquent et forment un environnement à cinq pôles :

  • Un pôle sociétal

  • Un pôle sportif

  • Un pôle entreprise

  • Un pôle investisseur

  • Un pôle institutionnel

J’ajoute que la nature de l’environnement des Clubs n’est pas statique. L’environnement  que nous venons de définir change de nature : il est turbulent.


La turbulence entraînera des modifications dans l’environnement qui auront un impact sur l’organisation des Clubs. Les causes des turbulences, généralement relevées dans la littérature, sont  la complexité, l’incertitude et le dynamisme.


La complexité correspond à l’hétérogénéité et à l’étendue des activités d’une organisation ou d’un Club de sport.


L’incertitude est le  manque d’informations sur des facteurs environnementaux rendant impossible la prévision de l’impact d’une décision spécifique sur l’organisation des Clubs.


Quant au dynamisme, il entraîne l’absence de modèles en renforçant le caractère imprédictible de variations des facteurs constituant l’environnement. Le dynamisme peut se trouver représenté par l’instabilité du marché, la modification de la structure concurrentielle ou l’amélioration des technologies.


  • Performance sportive contre-performance sociétale

Dans certains pays, le sport spectacle est un business comme un autre. Les acteurs économiques y investissent dans le but de créer de la valeur financière. C’est, par exemple, le cas en Amérique du Nord où les principales compétitions sportives sont organisées en ligues fermées : ce qui évite le spectre de la relégation et ses conséquences financières. En France, les quarante clubs de football de ligue 1 et de ligue 2 ont le statut de sociétés commerciales. Mais si formellement, le cadre juridique est tout à fait comparable à celui des entreprises privées classiques des autres secteurs de l’économie, la réalité économique actuelle des clubs est assez différente.


Peu de propriétaires acceptent aujourd’hui de combler continuellement les déficits des clubs. La régulation mise en place par la DNCG a pour objectif l’équilibre financier. La performance sportive est prédominante mais la dimension financière ne peut être une simple variable d’ajustement, en particulier sans vision à long terme. L’objectif d’un club ne peut être limité à celui d’optimiser les résultats sportifs sous la contrainte de l’équilibre financier, mais de proposer et d’imaginer une réponse à d’autres valeurs, avec pour ambition de porter un projet sociétal, responsable et durable. C’est un modèle qui devra transformer la vision des clubs de football professionnel et intégrer toutes les notions de complexité dans leur approche managériale.


  • Une gouvernance partenariale

Au sein des clubs, diverses parties prenantes évoluent avec des degrés d’influence différents. L’économie du football professionnel tourne autour de la valorisation de quatre actifs immatériels : le pôle sportif qui constitue le « capital sportif » représenté par les effectifs ; le talent des joueurs associé aux managers sportifs du club ; le pôle sociétal qui constitue le « capital sociétal » composé des spectateurs, de la population régionale,  des collectivités, du Centre de formation et des téléspectateurs ; le pôle entreprise qui constitue le « capital attractivité » rassemblé autour des sponsors pour contribuer au développement de la marque du club par sa notoriété et son image ; le pôle investisseur représentant le « capital financier », bâti autour des associés, des actionnaires potentiels et des prestataires financiers dans le dessein de pourvoir au développement du Club.


  • Hypothèses de travail

L’hypothèse globale que je souhaite démontrer repose sur une analyse des faits qui me permettent d’énoncer selon quatre sous-hypothèses :

  • Que des institutions internationales et nationales, chargées d’orienter l’économie du football, en collusion avec des gouvernements nationaux ont promu un modèle financier du football basé d’abord sur les aspects purement sportifs pour s’emparer des ressources produites, au détriment de toute éthique sportive et sociétale. Ces mêmes institutions ont permis à une minorité d’acteurs du sport de s’approprier la valeur créée par les clubs, au détriment des actionnaires, des salariés de l’administration, des prestataires et fournisseurs et des parties prenantes externes.

  • Par ailleurs, ce modèle économique, dès sa promotion portait en lui les germes de l’échec à long terme, fondé sur une accumulation de facteurs de risques. Ces risques sont liés aux aléas sportifs, intrinsèque à l’activité, risques liés à la dépendance de la principale source de revenu que sont la vente des droits de diffusion, eux-mêmes conditionnés aux aléas des résultats sportifs.

  • D’ailleurs, j’ajoute que l’appropriation de la valeur créée par les clubs par le pôle sportif ne laisse que très peu de ressources pour les autres parties prenantes internes aux organisations en place qui pourraient conduire d’autres orientations intégrant toutes les parties prenantes.

  • En dernier lieu, le rapprochement entre, d’une part les enjeux économiques dictés par des aléas sportifs récurrents et les ressources requises pour y faire face, constitue le fondement de divergences propices à des modes de management des clubs qui réconcilieraient toutes les parties prenantes.

4 HYPOTHESES

  • ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR DANS LE FOOTBALL PROFESSIONNEL

Mon analyse s’appuiera sur une organisation de la chaîne de la valeur du football professionnel comme représentée ci-dessus. Il s’agit de l’ensemble des activités produites dans un club par les divers pôles de management.


Je prends comme hypothèse que la répartition de la valeur créée dans cette filière sportive n’est pas répartie équitablement et que la capture de celle-ci se fait uniquement au profit de quelques acteurs, au détriment de la plupart des autres parties prenantes.


Ma démonstration partira de la vision portée par les instances dirigeantes de clubs jusqu’à la finalisation de la communication affichée par les clubs et les institutions. 


  • Vision

La période, que l’on pourrait dénommée « période moderne du football », qui débute dans les années 1990 avec l’arrêt Bosman, affermit (avec l’envolée des droits de retransmission) la mobilité des footballeurs du monde entier et, d’autre part, l’explosion des montants des salaires et des transferts. Le football comme l’économie est aujourd’hui devenu « global ».


Cette mondialisation du football n’a pas empêché les supporters, mais aussi une partie de la population attachée à ses repères, de continuer à vivre le football localement. Ce décalage n’a pas produit les mêmes effets pour les supporters d’équipes des grandes villes européennes, qui sortent gagnants de la compétition sportive et financière, que pour les supporters des équipes de football des plus petites villes qui luttent pour le maintien en première division.


La libre circulation des joueurs, entraînant une forte mobilité dans les plus petits clubs professionnels, a introduit un décalage entre les supporters attachés à leur club et les footballeurs qui ne font que passer. Cette attitude est source de critiques envers cette forme de football qui révèle un décalage entre la vision des supporters, attachés aux valeurs traditionnelles, et la réalité du football actuel.


Confortés par des perspectives de croissance démesurée, les dirigeants de tous les clubs, petits ou grands, ambitieux ou raisonnables, ont totalement négligé le fondement sociétal d’un Club professionnel. Le constat présent nous porte à la connaissance une vision simpliste affichée, qui se résume d’une part à respecter les équilibres financiers (DNCG oblige) et d’autre part, d’assurer le développement des centres de formation afin d’y produire les futurs joueurs professionnels de demain – sources de nouveaux revenus.


Par ailleurs, je rappelle que la vision, comme la mission ou la vocation procède comme des éléments fondateurs d’une organisation ou d’un club. Ils sont stables et solides, sur lequel le déploiement organisationnel va se déployer étape par étape. Ces étapes sont planifiées sur le court et long terme, tels que les buts et les objectifs.


Trois piliers se trouvent à la base de toute planification et influenceront le futur d'un club ainsi que les décisions qui seront prises :

  • La vision

  • La mission

  • Les valeurs

Ensemble, elles constitueront l'ADN du Club.

Du point de vue interne, la vision, la mission et les valeurs :

  • Déterminent une ligne de conduite ;

  • Facilitent la prise de décision ;

  • Favorisent la mobilisation et l'optimisation des ressources.

Du point de vue externe, elles caractérisent :

  • La marque unique et différentiant du Club ;

  • La crédibilité auprès de l’ensemble des parties prenantes ;

  • La présence d'une orientation précise ;

  • Une démarche mobilisatrice intégrant toutes les parties prenantes.

Une telle vision restrictive, ne peut que conduire le football dans une impasse, mise en évidence par les conséquences de la pandémie actuelle.


Cet ADN des Clubs déterminera la structuration de la chaîne de valeur intégrée du football professionnel et orientera l’approche de la capture de celle-ci aux bénéfices des différentes parties prenantes.


  • Projet sportif

 Tous les grands clubs de football ont un projet sportif sur le court et le long terme. Le projet sportif, déterminé par la vision du Club, permettra les prises de décisions différentes selon les horizons retenus.


En effet, avoir une vision à long terme, sur 10 ou 15 ans, définira les grandes tendances de l'évolution du Club. Y compris dans un contexte économique fluctuant et incertain, soumis à des aléas plus ou moins importants, le projet devra s’adapter. Celui-ci constituera la direction à suivre.


L’horizon à moyen terme, entre 2 et 5 ans doit être plus défini, avec un vrai projet structurant, accompagné des ressources et des capacités à mettre en œuvre.


Enfin, le projet à court terme, sur la saison à venir, assigne, concrètement les actions opérationnelles à mettre en œuvre.


Le projet sportif traduira la vision limitative des dirigeants, qui, mobilisés par les enjeux économiques, restreindront leur dessein à la focalisation sur les résultats et la performance du pôle sportif.


Un projet sportif, qui ne vise que les seuls résultats, est confronté aux aléas inéluctables du jeu et ne survit que par des décisions stimulant un management inflationniste et néfaste quant au devenir du Club.


Les orientations du projet sportif nous permettent de comprendre comment la valeur sera répartie dans le temps au bénéfice des divers acteurs du processus décisionnel.


 Management organisationnel - Marketing – Exploitation


 Les actions pilotées par le Management organisationnel traduisent aussi la vision prônée par les Directions de clubs. Le constat que je peux déduire me laisse à penser que la majeure partie des pratiques se concentre vers les prises de décisions ayant trait, en priorité, aux joueurs et au staff, aux infrastructures, aux équipements et aux opérations d’audit et de contrôle - conformément aux exigences de la DNCG.


Alors quelle interprétation et quelle analyse peut-on réaliser de la chaîne de valeur intégrée du football professionnel, selon, dans un premier temps, la capacité des clubs à créer de la valeur, et dans un autre, comment celle-ci est-elle distribuée pour l’ensemble des parties prenantes ?


En vue de démontrer mon hypothèse, je m’appuierai sur  la répartition de la valeur ajoutée, qui une fois créée, doit être partagée entre les différents bénéficiaires.


 Les enjeux du partage de la valeur ajoutée


Le partage de la valeur ajoutée a des conséquences sur les différents bénéficiaires. Elle est :

  • Affectée aux salariés: leur pouvoir d’achat s’améliore et permet le recrutement de nouveaux salariés à l’effet d’acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles capacités, mieux rémunérés.

  • Allouée aux Clubs: la valeur ajoutée permet de fortifier sa capacité de développement et d’augmenter la part d’autofinancement de ses investissements.

  • Distribuée aux propriétaires des Clubs: elle accroît l’importance de leurs dividendes et permet de renforcer leur attractivité vis-à-vis d’investisseurs potentiels.

  • Créée par les Clubs: la valeur ajoutée contribue à l’augmentation du PIB, par la collecte d’impôts, de taxes et de cotisations, destinés à garantir le bon fonctionnement des infrastructures, à la qualité des prestations sociales et à pourvoir au développement régional. 

  • Collectée par les banques: la valeur ajoutée épargnée pourra être prêtée plus facilement à l’ensemble des Clubs qui ont besoin de financement.

 Pour l’ensemble des clubs de Ligue 1, la valeur ajoutée s’élève à 1 084 M€ pour la saison 2018/2019 contre 964 M€ pour la saison N-1.


Pour cela, après avoir décomposé et analysé les données économiques de la DNCG, j’exprimerai les choix et les décisions prises par les Directions en évaluant les conséquences sur les différents acteurs de la chaîne de valeur, en me posant la question pour chacun d’eux : quelle valeur créée, perçue ou détruite et pour qui ?

  • La création de valeur

 Le projet économique des Clubs peut être décrit comme une logique d’organisation à des fins de création de valeur pour l’ensemble de ses clients et de capture de valeur pour les Clubs et pour leurs partenaires. Création et capture de valeur sont donc au centre de la vision et des missions assignés aux différents Clubs. Considéré comme un concept important de management des organisations (en particulier sportives) la valeur créée et capturée conditionne l’ADN des Clubs comme vu précédemment, tant vis-à-vis des parties prenantes internes qu’externes.


Les nombreuses décisions en matière de management des Clubs sont  corrélées aux directives prises de création de valeur et de capture de valeur. Les innovations, les services proposés, l’exploration de nouveau segment de marché concernent plutôt la création de valeur, tandis que le fait de profiter d’un fort pouvoir de négociation sur les parties prenantes internes et externes relèvent de la capture de valeur.


Le prix qu’un supporter, un fan, un sponsor, un citoyen, un diffuseur est prêt à payer pour un service ou un produit est une échelle de la valeur créée tandis que le bénéfice qui en est retiré est une mesure de la valeur capturée.


On peut identifier les attentes pour les salariés : par la création d’une valeur jugée suffisante, nécessaire à la satisfaction des clients. Dans l’intention de disposer des salariés requis, formés, stables, intéressés à son emploi, ayant les capacités fondamentales, il est prioritaire pour les Clubs qui souhaitent conserver les compétences d’apporter des réponses aux différents acteurs. Cette valeur ne comprend pas que le salaire, mais intègre des éléments subjectifs comme le sentiment d’appartenance, la sécurité de l’emploi, l’accomplissement au travail et les perspectives d’avenir. La détermination de la valeur créée pour les salariés nécessite donc de distinguer la rétribution perçue du salaire objectif.


Relativement aux actionnaires, il s’agit de la contrepartie aux apports de fonds, aux risques pris, servie en termes monétaires par des dividendes. La valeur attribuée aux titres par les actionnaires est influencée par l’image des Clubs, les résultats sportifs et économiques, une vision à long terme, les risques actuels et futurs qu’ils présentent et les projets de développement.


Pour les autres parties prenantes intéressées à la performance, comme les fournisseurs, le volume de vente, le délai de paiement, l’innovation recherchée, le développement des savoir-faire, la coopération et l’appartenance, l’intégration à des projets de médiatisation et de notoriété, la valorisation des relations commerciales et la fidélisation caractérisent la contribution à leur valeur qui répondront par  plus de qualité, de réactivité, de flexibilité et des tarifications optimisées.


Pour les collectivités, les Clubs constituent un écosystème dans lequel les institutions sont intégrées, qui, bénéficiant de taxes et d’impôts locaux, proposeront leurs prestations de services, aideront à des efforts de préservation de l’environnement, à des implantations d’installations, à des comportements citoyens et à la participation à la vie collective.


Je retiendrai, parmi l’ensemble des parties prenantes, les protagonistes suivants sous quatre modalités :


  • Les promoteurs du modèle du football professionnel 

  • Les contributeurs à la création de valeur

  • Les parties prenantes internes des Clubs

  • Les parties prenantes externes aux Clubs


  • PROMOTEUR ET PRÉBANDIER A LA FOIS

  • Les institutions internationales du football

À côté des parties prenantes principales comme les actionnaires, les joueurs et les spectateurs, on peut identifier d’autres parties prenantes telles que les instances dirigeantes (la FIFA, l’UEFA, la Fédération Française de Football et de la Ligue de Football Professionnel). La ligue professionnelle garantit aux Clubs la majorité des revenus issus des droits TV et leur impose un minimum de règles de gestion par le biais de la DNCG.


Dans l’objectif de limiter les pertes opérationnelles subies par un certain nombre de clubs de football, l’UEFA a mis en place en 2011 une nouvelle réglementation connue sous le nom de « Fair Play Financier ». Le mode d’allocation des revenus en fonction des résultats des compétitions procure un avantage concurrentiel pour les clubs ayant déjà atteint un certain niveau de développement économique, créant une concurrence inéquitable avec les autres Clubs. Ce modèle économique produit un processus inflationniste, autant sur le prix des joueurs que sur leurs salaires. C’est néfaste à l’équité sportive et à la pérennité des Clubs. Par ses décisions, l’UEFA amplifie les risques économiques par la dépendance aux revenus dérivés des droits de diffusions. Et elle altère la qualité des prestations commercialisées en diminuant l’incertitude sur l’identité du vainqueur des compétitions nationales ou internationales, tout en autorisant quelques Clubs à capturer la plus grande part des revenus générés.


Je complèterai par quelques précisions relatives aux salaires des salariés de l’UEFA. Il y a environ 500 personnes avec un salaire moyen de 130 000 € bruts par an : soit un peu plus de 10 000 € mensuels.


En 2018/19, le président de l’UEFA a bénéficié d’une rémunération fixe et brute de 1 921 667 CHF : soit 1 825 000 € pour 152 000 € mensuels.


En 2018/19, le Secrétaire général a perçu une rémunération fixe de 1 175 000 CHF, agrémentée d’un bonus de 355 000 CHF : soit au total 1 500 000 € pour 120 000 € mensuels.


Une prise en compte des dérives inflationnistes et des risques liés à des surendettements justifierait de limiter le montant de dette des clubs et leur permettre de se financer par recours à des capitaux propres.


Au-delà des prescriptions de l’UEFA, sa fiscalité démontre une autre perception de la notion d’équité. Elle est installée en Suisse, sous un statut réputé à but non lucratif, qui lui permet d’être exonérée d’impôts sur ses bénéfices, malgré un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros de recettes annuelles - provenant essentiellement de la commercialisation de droits médiatiques et commerciaux. Comment peut-on être, dans ce cas-là, déclarée d’intérêt public ?


Le temps est venu, dans l’intérêt d’une équité fiscale comme de l’équité sportive, de considérer l’UEFA pour ce qu’elle est : à savoir une machine à faire de l’argent, comme toute autre société commerciale, et à ce titre être assujettie aux impôts.

  • Les institutions gouvernementales

Les instances gouvernementales, complices des instances nationales et internationales du football ?

« Pouvons-nous encore décider nous-mêmes de quelque chose ? » question lancée comme un cri du cœur par l’un des coorganisateurs de l’Euro 2016.*  


En effet, depuis 2004, le championnat d’Europe de football n’est plus mis en œuvre par le ou les pays d’accueil mais directement par l’UEFA.


Lorsque ce système a été inauguré au Portugal, la Fédération portugaise détenait encore 46 % des parts de la société organisatrice, contre 54 % à l’UEFA. Douze ans plus tard, Euro 2016 SAS, est détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football (FFF).*

*(Article du journal Le Monde, Euro 2016 : les concessions de la France à l’UEFA. Par Rémi Dupré et Clément Guillou Publié le 07 décembre 2015 à 18h50 - Mis à jour le 09 juin 2016 à 13h21)


Les recettes attendues par l’UEFA furent de 1,93 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros de droits audiovisuels, pour un bénéfice net de 847 millions d’euros. Malgré ses 5 % dans la SAS, la FFF ne sera pas directement intéressée aux résultats financiers de cet Euro. Si les bureaux de la société sont au Trocadéro, les bénéfices sont en Suisse, notamment grâce à la vente des droits de retransmission télévisée !


Comment furent considérés les bénéfices au profit de l’UEFA ?


Pour cet Euro 2016, le football a transformé la France en paradis fiscal !


Le gouvernement français a exonéré d’impôt l’UEFA à l’occasion de l’Euro 2016.


Si elle fait financer les infrastructures par le pays hôte, l’UEFA, qui organise la compétition, entend bien conserver les recettes commerciales. Nettes d’impôts.


Mais c’est bien à la France et aux contribuables de payer la construction de quatre stades (à Bordeaux, Lyon, Nice et Lille) et la rénovation des autres enceintes sportives, pour un montant de 2 milliards d’euros. Sans compter les 400 millions nécessaires à améliorer l’accès et les transports. Tout cela est sans omettre les frais engagés pour assurer la sécurité de l’événement.


Les quelques 250 millions d'euros abandonnés par l'Etat auraient donc été les bienvenus pour amortir ces investissements publics, à la charge des collectivités territoriales. 


Pour l’Euro 2012, en habitué, l’UEFA avait déjà réalisé un très gros bénéfice, puisqu’elle avait seulement investi 695 millions pour près de 1,4 milliards de chiffre d’affaires : une marge d’exploitation de 50% ! Tout cela avec un statut officiel d’association à but non lucratif.


J’ajoute que les politiques visant à la prise en charge des projets de Grands Travaux Inutiles, par des contrats dits PPP ou Partenariat-Privé-Public n’aboutissent qu’à ne faire supporter les risques par les Collectivités et les citoyens.  Par des conditions d’obtention des marchés à la limite de la régularité ou face à une fausse concurrence, les pratiques tarifaires débouchent sur une conséquence intolérable, qui, de devis surévalués, puis accentués par une dérive des coûts, renchérissent le budget final des projets dans des proportions inacceptables, toujours à la charge des collectivités.


Ces dernières ne sont pas prises en compte lors des décisions d’évaluation des projets. Ou les études de rentabilité sur les investissements ne sont pas réalisées pour de tels projets. Il existe en particulier le fait que l’association PPP, soumise aux conditions des marchés, comme les enceintes sportives, à exploitation aléatoire, sont incompatibles en termes de visibilité et de rentabilité sur de longues périodes. J’observe que les risques d’exploitation sont reportés ainsi sur les opérateurs publics.

  • Les institutions nationales du football

La FFF a connu la situation paradoxale d’être l’entité officiellement désignée comme hôte et théoriquement organisatrice de l’Euro 2016, tout en étant absente de l’essentiel des activités d’organisation, montrant par là une forme de collusion ou d’incapacité d’infléchir les injonctions de l’UEFA.


On peut noter, au niveau local, que les dossiers de candidatures comprenaient des « lettres de garantie » signées par les exécutifs locaux des villes accueillant les rencontres du tournoi ainsi que plusieurs contrats : contrats de ville hôte avec la collectivité d’accueil, de stade avec le propriétaire de l’équipement et enfin d’aéroport avec la société exploitante de l’infrastructure.


Les exécutifs des collectivités territoriales publiques ont été tenus de signer ces contrats sans pouvoir en discuter le contenu. Dans la plupart des cas, ces contrats n’ont pas été soumis aux conseils municipaux des villes concernées.


Le président de la FFF, indiquait ainsi que « l’UEFA ne considère pas ces contrats comme des projets soumis à discussion et à amendements éventuels, mais comme des contrats-types qu’elle demande aux villes candidates et à la FFF de signer en l’état. Ceci signifie qu’une ville qui ne pourrait pas ou ne souhaiterait pas signer ces contrats ne pourra pas figurer dans la liste des villes hôtes proposées par la FFF », traduisant ainsi une forme de chantage à l’obtention de l’organisation du tournoi, obligeant ainsi les collectivités à se conformer à un cadrage très précis. Le dossier de candidature incorporait ainsi, dès 2011, un corps d’engagements contraignants, formant le cadre intangible dans lequel allait s’inscrire en 2016 la mise en œuvre du tournoi.


Lors des évènements « match », l’État facture à la FFF et aux clubs de football professionnels une partie des dépenses engagées pour la sécurisation des rencontres disputées par l’équipe de France et par les clubs des Ligue 1 et Ligue 2. Pour l’Euro 2016, il a renoncé à facturer le coût des services d’ordre chargés de sécuriser les stades et les fan zones lors des 51 rencontres du tournoi.


Pour répondre au cahier des charges de l’UEFA, les villes hôtes ont engagé des investissements pour un coût total final des travaux de construction et de rénovation de neuf des dix stades retenus pour accueillir l’Euro 2016, évalué à 1,919 Md€ HT. Ce coût comprend les dépenses directement consacrées aux stades pour 1,67 Md€, des dépenses d’infrastructures, aménagements extérieurs, dessertes en transports, parkings, programmes immobiliers annexes, indispensables à leur fonctionnement, pour 244 M€.


En outre, avec l’aide de la FFF, les projets ont largement excédé les exigences de l’UEFA : en portant la capacité cumulée des neuf stades à 415.173 places, ils ont dépassé de 19% les 350.000 figurant dans le cahier des charges. Ainsi ce surdimensionnement des nouvelles enceintes, qui affiche des fréquentations très médiocres, constitue une épée de Damoclès sur les Clubs et les collectivités, alors que le respect du « calibrage des investissements » aurait été de nature à minorer les risques d’exploitation futurs et les tensions sur le niveau des redevances sportives - plus conforme aux ressources des pouvoirs publics.  


PROMOTEUR ET PREBANDIER A LA FOIS

  • LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR

  • Les supporters

Les clients des clubs, constitués des supporters et des abonnés, représentent une source de revenu importante dans l’économie du football professionnel. Les clubs déploient l’utilisation des outils du marketing expérientiel dans l’intention de développer les recettes liées au merchandising en jouant sur l’attachement sentimental du supporter au club ou à son identification à un joueur vedette, et en essayant de faire en sorte que le stade devienne un lieu de vie. Ce faisant, la dimension sociétale du Club dans son propre écosystème est oblitérée.


Chaque activité du club contribue à la valeur créée. Celle-ci doit être perçue par les supporters comme répondant à leurs attentes. Valeur subjective s’il en est, et si le client ne perçoit pas assez de valeur, il pourra choisir et s’orienter vers d’autres loisirs sportifs ou culturels qui répondront mieux à ses espérances.


D’une certaine façon, le supporter recherche dans son club d’autres relations que proprement commerciales. Une qualité de service optimale doit répondre à ses attentes. Les supporters sont donc des acteurs cruciaux dans la vie de chaque club. Leur rôle au sein du club ne peut pas être sous-estimé tant ils peuvent influencer ou affecter l’ensemble de la structure dudit club de football.


 Par conséquent, la valeur perçue par les supporters intègre une forte valeur d’estime, correspondant à l’image apportée par les prestations, tant par leur disponibilité, leur qualité que par leurs aspects affectifs produisant implicitement la valeur ressentie desdites prestations. Celle-ci, subjective, est influencée par la presse, les associations de consommateurs, les réseaux sociaux et les groupes de supporters.


La « satisfaction du supporter » permet sa fidélisation. Cela influence et réduit le coût des transactions pour la recherche de nouveaux supporters.


 La valeur ainsi créée pour le supporter est déterminée par la chaîne de valeur intégrée, de la proposition du spectacle sportif jusqu’à son exploitation dans le Stade (avant, pendant et après l’événement lui-même) et qu’elle n’intègre pas que des dimensions tarifaires.


Les informations économiques à notre disposition traduisent une stagnation des revenus résultant de la billetterie et ce, depuis les 3 dernières saisons : elle représente 11% du total des revenus.


L’ensemble des recettes « matches » représentent 201 M€ sur la saison 2018/2019, soit 11% des revenus récurrents hors recettes des mutations et 7 % en incluant les revenus des mutations.


Malgré la construction de nouveaux stades pour l’EURO 2016, le nombre de spectateurs par matches s’immobilise autour d’une moyenne de 23 000 par match, dont 2 500 de « non payants », pour des capacités moyennes dans les stades de plus du double ; soit environ 50 % de taux de remplissage lissé sur les saisons.


 À la vue des tarifs moyens pratiqués, soit 25 € par spectateur et par match, on peut facilement en déduire que la perception par les supporters montre une différence significative entre la valeur perçue et le prix à payer, limitant leur engagement et leur passion. 


 4.2- Les sponsors


 Les revenus agrégés du sponsoring et de la publicité représentent 415 M€ soit 22 % du total des produits récurrents. Ils sont en augmentation de 21 % entre la saison 2018/2019 et la saison N-1 et 15 % en incluant les revenus des mutations.


Comment analyser la valeur perçue par les sponsors ? Sachant que ces revenus constituent la deuxième source de produits après les droits de diffusion.


Le peu d’informations sponsoring à ma disposition ne m’empêche pas d’émettre quelques hypothèses de manière à démontrer que les démarches proposées par les Clubs ne répondent pas aux attentes des sponsors.


 La vision des clubs de football professionnel, principalement orientée performance et résultats sportifs, n’offre que peu d’attractivités et d’alternatives aux yeux des annonceurs. En raison de résultats sportifs aléatoires, non récurrents, les clubs offrent peu de visibilité et de notoriété aux sponsors, en particulier lors de période de résultats négatifs ou lors de des non-participations à des Coupes Nationales ou Européennes.


En Ligue 1, de rares clubs affichent une sécurité quant au niveau des résultats sportifs. De cet état de fait, le peu de clubs qui bénéficient d’une importante exposition médiatique, réduisent les arguments pour les annonceurs, qui devraient pouvoir profiter d’importantes retombées médias.


 L’intégration récente des notions de ROI (retour sur investissement) dans les opérations de partenariats sportifs contraint les clubs à de grandes campagnes d’activation, en regard d’optimiser les enjeux de notoriété et d’image de marque pour les annonceurs. La seule visibilité ne suffit plus pour les partenaires. Les activations, avec des objectifs et des indicateurs précis, jouent un rôle croissant dans la définition et l’exécution des accords de sponsoring.


 Face à ces exigences de ROI (retour sur investissement) de la part des annonceurs dans le dessein de justifier de la rentabilité de leur investissement substantiel pour acquérir des droits et activer leurs partenariats, les clubs doivent de se doter d’outils de monitoring pour suivre au mieux les retombées. Tous les partenaires cherchent à calculer le plus finement possible leur retour sur investissement.


 À travers différentes métriques, indicateurs de performance, enquêtes d’opinion, enquêtes online lors des événements, des mesures de ventes sur un secteur géographique précis, feed-back des réseaux sociaux, les annonceurs pourront apprécier la pertinence d’un contrat de sponsoring, avec pour objectif de renouveler le contrat de partenariat, conditionné par les réponses apportées par les Clubs.


Nous pouvons déjà constater que les conséquences de la pandémie anticipent une baisse de 25 à 30 % des revenus provenant des sponsors.


Une question se pose alors : comment se fait-il que les retombées du sponsoring soient si peu évaluées et offrent si peu de visibilité pour les annonceurs au point de sacrifier 25 à 30 % de leur budget ?

4.3- Les diffuseurs


La contribution totale des droits audiovisuels au total des produits se monte à 901 M€, soit 47 % des revenus récurrents et 34 % avec les revenus incluant les mutations.


Qu’en est-il des différents diffuseurs ?


Dans un environnement économique normal, les décisions d’investissements sont là pour produire des résultats sur le moyen et le long terme.


Je propose une analyse des principaux acteurs audiovisuels.


BEIN SPORTS


BeIn Sports est lesté de pertes fiscales abyssales qui s’accumulent à hauteur de 1,4 milliard d’euros en sept ans d’existence ! Cela oblige l’actionnaire qatarien à injecter régulièrement de l’argent dans les comptes pour sauver les apparences.


Le coup d’arrêt commercial subi par BeIn Sports est inquiétant alors que la société a pris à court terme des engagements financiers importants, liés aux droits sportifs acquis. Elle se trouvait face à un mur d’investissements de 1,8 milliard d’euros à cinq ans et plus. Cette somme est surtout due aux droits de retransmission de la Ligue 1 sur la période 2020-2024, dont BeIn a remporté une partie pour plus de 300 millions d’euros annuels face à un nouvel acteur (l’espagnol Mediapro) qui a pu s’offrir le plus gros morceau des droits, créant une bulle financière sur les droits audiovisuels du football. Dans ces conditions, le chemin menant à la rentabilité s’annonce plus raide encore pour BeIn.


Le scénario actuel est celui d’une inflation du montant des droits sans rapport avec les résultats sportifs ni avec les probabilités de rentabilité financière. On est un peu dans « la condamnation du dominateur » lorsque le vainqueur paye un prix plus élevé que la valeur réelle du bien désiré.


Face à la menace d’éclatement de la bulle, adossée à la télé-dépendance des clubs, aux usages émergents des consommateurs qui ne peuvent plus payer de multiples abonnements et s’en remettent au piratage ou au streaming, les revenus des droits audiovisuels reflètent le modèle économique du football professionnel, érigé sur de multiples facteurs de risques, alimentés par les aléas sportifs. Le directeur général de BeIN Media Group ne confirme pas autre chose en annonçant que « la glorieuse bulle des droits télé est sur le point d’éclater parce que le piratage s’est répandu aux quatre coins du monde et dans toutes les couches de la société » - déclaration faite lors du dernier Sport Business Summit à Londres.


La dénonciation des flux piratés, qui dévalorisent constamment la valeur de droits payés, introduit  une nouvelle menace que l’on estime entre 10 et 20 % de l’audience des retransmissions sportives.


Toutefois, ce scénario n’a toutefois rien d’inéluctable à cause de l’éventail de cartes à jouer sur la table médiatique : il y a la germination des ententes entre les différents diffuseurs, qui leur permet de rentabiliser leurs investissements, par une diminution du nombre d’acteurs et une baisse des tarifs pour finir par atteindre un équilibre financier.


RMC SPORT NEWS


Un autre opérateur, un autre parcours ! Après neuf mois d’activité en 2019 et avoir perdu 76 millions d’euros d’Ebitda (excédent brut d’exploitation) négatif, la chaîne RMC Sport News arrête de diffuser au 2 juin 2020.


CANAL+


Le groupe historique de télévision payante Canal+ a confirmé qu’il allait « tailler à la hache » dans ses effectifs en France, où il est confronté à une double concurrence : celle de BeIN Sports, de SFR et de Mediapro dans le sport.

De plans de restructuration après d’autres, Canal+ continue de réduire ses effectifs à hauteur d'environ 500 collaborateurs sur les 2.600 qu'il compte en France ; réduction  appelée comme il se doit « projet de transformation ». Les objectifs sont la compression du nombre de salarié en réduisant les coûts et la distribution afin de verser un maximum de dividendes au détriment des salaires.  


Depuis 2015, les précédents plans d’économie n’ont pas suffi à enrayer les difficultés de Canal+. Attaquée sur tous les fronts, la société voit le nombre d'abonnements individuels directs reculer de 300.000 l'an dernier - totalisant 4,73 millions de fidèles. Les difficultés s’accumulent face aux concurrents.


MEDIAPRO


Que savons-nous du nouveau diffuseur Mediapro ?


Avec des abonnements autour de 25 € et un nombre d’abonnés à atteindre de 3,5 millions, en ces temps où le piratage prend de plus en plus d’ampleur, c’est un véritable challenge auquel Mediapro sera confronté avec un démarrage débuté avec zéro abonné. Confronté à des frais massifs comme les droits, la production, le marketing, Mediapro devra engager d’importantes dépenses.


L’actionnaire de Mediapro, très peu connu, n’offre pas de garantie financière crédible pour couvrir l’ensemble des engagements pris auprès de la Ligue de Française de Football, pour une durée de contrat de 4 années.


Je peux déduire que sur cette marche des diffuseurs, il semble que la rentabilité soit loin du compte au regard des investissements consentis dans l’achat des droits de diffusion. La concurrence entre les opérateurs, celle des nouvelles plateformes comme Amazon et Netflix et les tendances des consommateurs vers le streaming, constituent de nouveaux risques de dégradation du montant tarifé des droits audiovisuels perçus par les Clubs.

4.4- les produits dérives et le merchandising


Le poids économique des produits dérivés et du merchandising, ajouté aux autres produits, culmine à hauteur de 386 M€, soit 20 % des revenus récurrents et 14 % incluant les revenus des mutations.


La difficulté d’analyse porte sur la non-présentation des revenus originaires exclusivement de la vente des produits dérivés. Sachant que le PSG réalise 10 % du total de ses ventes en produits dérivés, que OL réalise lui 5 % du total  de ses recettes issues de produits dérivés, je peux traduire que pour la plupart des clubs, le poids des produits dérivés représente moins de 5 % du total de leurs recettes.


Mais au-delà des recettes réalisées, il est important de comprendre la Marge Commerciale sur les ventes des produits dérivés. Dans les faits, pour chaque produit vendu, le club n’encaisse environ que 10 % de la recette finale. 30% va au distributeur, 30% à l’équipementier, 10% au fabricant (ainsi qu’aux frais de logistique) et aux Etats, via les taxes.


Je peux en déduire que la contribution des produits dérivés aux bénéfices des clubs représente seulement un apport marginal à la performance économique, estimé à 1%.


L’intégration de compétences, de capacité et de savoir-faire dans les métiers de la supply chain constitue un défi pour l’amélioration des résultats financiers issus de la commercialisation des produits dérivés.


 4.5- Le marché vendeur des joueurs


 La part des revenus, suite aux opérations de trading sur les joueurs, représente 786 M€ soit 29 % du total des produits des Clubs.


Si on ajoute le poids des droits audiovisuels, l’ensemble du pôle sportif affiche 1 687 M€ soit 63 % du total des produits des clubs.


Plus précisément, ce sont 63 % des produits qui sont soumis à des aléas sportifs et à des risques systémiques.

Le marché des joueurs se répartit entre des joueurs de haut niveau international aux rémunérations très élevées, exponentielles, mobiles internationalement, ayant une valeur économique supérieure à leur valeur sportive, et des joueurs interchangeables moins rémunérés, souvent plus âgés, moins médiatiques et très nombreux (formant un quasi-marché parallèle).


L’internationalisation du recrutement des joueurs et l’importance accrue des agents sportifs et des intermédiaires ont eu comme conséquence des dépenses salariales incompressibles à court terme engageant les clubs dans la recherche de nouvelles recettes stables et pérennes, comme les droits TV, les produits dérivés, les activités de conférences et d’événements afin d’optimiser l’utilisation des infrastructures. L’ensemble de ces nouvelles sources de revenus est conditionné par le recrutement de joueurs fortement valorisés, reconnus au niveau européen et internationalement, provoquant une tendance inflationniste sur les coûts des transferts et sur les rémunérations. 

La pandémie mondiale et la suspension de tous les championnats aura des conséquences très importante sur l’économie du football - et plus particulièrement celle du marché des transferts. 


Selon le l’Observatoire du football CIES, cette valorisation s'effondrerait de 28%, passant de 32,7 à 23,4 milliards d'euros


La pandémie de coronavirus précipite-t-elle l’éclatement de la bulle dans le foot-business ? « Oui », estiment les experts interrogés, mais seulement « à court terme », s’il n’y a pas la mise en place d’une « régulation » pour encadrer l’inflation à l’œuvre lors de la dernière décennie.


Face aux clubs qui auront de gros problèmes de trésorerie, face à l’incertitude sur les droits audiovisuels et les revenus du sponsoring, face aux déséquilibres financiers, cela va devenir très compliqué de céder ses meilleurs joueurs sur un marché qui ne sera pas acheteur, mais vendeur.  De quoi provoquer un fort ralentissement du marché, activant un effet domino sur tous les segments de joueurs, des plus monnayables aux  intermédiaires, en passant par les plus basiques.


La France, victime de l’assèchement de ces marchés acheteurs, qui a tout misé sur un modèle économique fondé sur le trading de joueurs grâce à une politique de formation performante, sur une vision « courtermiste » et sur des revenus focalisés sur les seuls enjeux sportifs, se retrouve confrontée à la défaillance de son modèle (qui appelle une refondation et un autre projet).


La DNCG affirme que la moitié des clubs de Ligue 1 a réalisé des plus-values de plus de 20 millions d’euros grâce aux transferts, lors de la saison 2018-2019.


Le modèle inflationniste du marché des joueurs, associé aux détournements des règles légales et fiscales, aux systèmes de prêts de joueurs, produit une dérive spéculative. C’est une nouvelle cause de risques systémiques pour les Clubs.


Avec l’actuel système des transferts, les joueurs sont des placements, c’est-à-dire un capital très mobile et très spéculatif qui se négocie sur un marché par ailleurs très opaque. La logique sportive, déjà dépassée par la logique économique, l’est cette fois par une logique financière de plus en plus puissante - et de plus en plus inégalitaire.

Pour le long terme, il est souhaitable que l’on transforme ce système (source d’inflation sur des salaires toujours plus élevés) en pourvoyant des mutations toujours plus onéreuses. Je pense qu’une vision responsable, sociétale et durable contribue à une remise en cause considérable dudit système.


Par-delà les particularités propres à chaque contributeur de revenus des clubs, je note que l’ensemble de ces acteurs économiques se comportent de manière à rendre dépendants financièrement la totalité des clubs. En effet, hormis les recettes de billetterie et de produits dérivés, les sommes d’argent dues aux clubs constituent un risque majeur sur leur financement d’exploitation. Le total des créances dues, soit 1,228 M€  accable les Clubs par des retards de paiement récurrents, représente 165 Jours de crédit clients, soit plus de 6,5 Mois de délai en moyen de paiement, alors qu’une loi, dit LME de 2008 limite lesdits délais de paiement à 45 Jours !


Sachant que les recettes générées de la billetterie et des produits dérivés constituent à peine 12 % en moyenne, il est facile d’imaginer la position des clubs face à une telle dépendance financière à court terme et les conséquences en terme économique, d’image et des conditions d’exploitations.

LES CONTRIBUTEURS À LA CRÉATION DE VALEUR


 PARTIES PRENANTES INTERNES AU CLUB


 5.1- Les joueurs salariés


 L’analyse des données à notre disposition, peu explicites, nous conduit à plusieurs constats.


Pour la saison 2018/2029, la part des salaires consolidés pour tous les Clubs de Ligue 1 est estimé à 1 388 M€, en croissance de 10% par rapport à la saison précédente et représente 73 % du total des revenus des clubs.

Ce qui signifie que l’ensemble des salaires versés absorbent 128 % de la valeur ajoutée produite par la Club.


La décomposition des salaires par catégories de salariés est plus significative. Le poids des salaires des joueurs professionnels correspond à 73 % de la masse salariale totale, là aussi en dérive de 10 % par rapport à N-1. S’ajoute 3 % de salaire pour les autres joueurs, ce qui porte le poids total des salaires joueurs à 76 %.

Il est à noter que la masse salariale de tout le domaine sportif « joueurs » correspond à  1 036 M€ et absorbe 95 % de la valeur ajoutée créée par les clubs.


Comme en 2017/2018, les 10% des joueurs les mieux payés ont une rémunération supérieure à celle des 90% des joueurs les moins bien payés. En effet, ces 10% de joueurs représentent 54% du total des salaires de joueurs de la Ligue 1.


Bien qu’une moyenne ne soit pas représentative des salaires des joueurs, selon une estimation de 700 joueurs professionnels en Ligue 1, le salaire moyen annuel par joueur s’élève à 1,4 M€ soit près de 120 000 € par mois.

Aucun secteur d’activité ne peut supporter un groupe de salariés, y compris pour joueurs à très forte notoriété d’absorber 76 % du total des revenus et 95 % de la valeur ajoutée.


Un des secteurs d’activité avec lequel nous pouvons établir des correspondances est celui de la production audiovisuelle. Établissons quelques comparaisons.


Ledit secteur d’activité réalise autour de 3 000 M€ de chiffre d’affaires, donc sensiblement plus que celui du football. Au regard de ces recettes, la part des salaires représente 730 M€ environ, soit 25 % du CA produit, et pour une valeur ajoutée de 2 550 M€, les salaires pèsent 40 % de la VA créée. (Étude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle - CSA 2017)


La comparaison entre les deux secteurs d’activité, similaires par leurs finalités et par les publics visés, nous permet de mieux comprendre la structure économique des clubs et démontrer en quoi le modèle du football ne peut résister à aucune crise, a fortiori à une pandémie mettant à l’arrêt toutes les activités de spectacles sportifs. 

5.2- Les staffs techniques


 L’ensemble des staffs techniques représente 11% de la masse salariale, qui ponctionne 15 % de la valeur ajoutée. Avec une hypothèse de 20 Personnes de staff technique par clubs, le salaire moyen s’élève à 400 000 € par an, soit 33 000 € environ par mois.


Nous pouvons là aussi comparer avec les salaires des ingénieurs par exemple dont le revenu annuel moyen est compris entre 30 et 100 000 €, selon l’âge.

5.3- Les salariés de l’administration


 L’ensemble des salariés de l’administration consomment 13 % de la totalité de la masse salariale, soit 17% de la valeur ajoutée.


Peu d’informations sur ces personnels-là, et pour cause me semble-t-il !


J’émets là aussi, l’hypothèse de 250 administratifs par Club de ligue1, ce qui nous amènent à des salaires annuels de 36 000 €, soit 3 000 € mensuels. Sachant que les dirigeants et les cadres perçoivent des salaires nettement supérieurs, cela nous laisse des revenus moyens par employés sur la base du SMIC.


On pourra comprendre le peu de reconnaissance de cette catégorie de salariés, ayant toutes les responsabilités opérationnelles, administratives et commerciales de la production de spectacles sportifs.

5.4- Les agents


Les honoraires d’agents englobent 5,4 % du total des revenus, pour un montant de 104 M€, en forte dérive de 25 % par rapport à la saison précédente, qui correspond à 10 % de la valeur ajoutée créée.


Selon un rapport de la FIFA rendu public, les commissions touchées par les intermédiaires à l'occasion des transferts internationaux ont augmenté de 19,3 % en 2019, avec une augmentation cumulée depuis de 270 % depuis 2014, soit plus de 50 % en moyenne par an de supplément !


Ces chiffres exigent une régulation et un encadrement que la FIFA promet de mettre en œuvre rapidement.

Finalement, le football, ce n'est pas que du football, mais des joueurs considérés comme des marchandises et des produits financiers. Des marchandises que tous les agents du monde essayent de monnayer le plus cher possible afin de produire un maximum de commissions.

5.5- L’État et les organismes sociaux


Le poids des charges sociales et des impôts représente 17% des revenus totaux, ce qui constitue 30 % de la valeur ajoutée.


La perception par l’État de cette partie de valeur ajoutée correspond à l’ensemble des charges collectées par les Clubs sur la totalité des salaires, dans l’objectif de pourvoir au financement des dépenses de santé, d’accident, de chômage et de retraite des salariés.


De plus, l’Etat et les Régions contribuent au développement des activités sportives et aux investissements requis pour les installations.  


Le corps d’État, par l’effet des subventions, participe aux actions éducatives par l’intermédiaire du sport.

En tant que garant, il permet aussi d’obtenir des prêts garantis qui soulagent les Clubs lors de problèmes de trésorerie conjoncturelle. 

5.6- Les actionnaires et les investisseurs


 Les intermédiaires financiers représentent 2,7 % du total des revenus, soit 4,7 % de la valeur ajoutée.


Les actionnaires et investisseurs ne perçoivent aucune valeur créée par le Club. En revanche, par leur abandon de créances sur les comptes courants d’associés, ils apportent aux clubs 1,4 % du total des revenus (2,4 % de la valeur ajoutée).


L’attractivité économique doit devenir un objectif majeur en vue de pouvoir attirer de nouveaux investisseurs. Cela passe par une rentabilité accrue, une maîtrise des risques économiques, une visibilité sur le long terme, fondée sur un projet sportif responsable, sociétal et durable.

5.7- Le Club


 Pour les clubs, le montant total d’amortissement se monte à hauteur de 397 M€, soit 21 % du total des revenus.

Si on ajoute le Résultat Net consolidé, on constate une Capacité d’Autofinancement de 271 M€ soit 14 % du total des revenus et 25 % de la valeur ajoutée produite.


Comme dans tout modèle organisationnel, le Club doit devenir le centre des activités vers lequel toutes les décisions seront focalisées. Et ce sont surtout  l’image, la notoriété, l’histoire du Club, qui prennent leur place au-dessus de toutes les parties.


 6. PARTIES PRENANTES EXTERNES AU CLUB

6.1- Les fournisseurs et les prestataires de services


Fournisseurs, équipementiers, agences de sécurité, prestataires de services (médias, marketing, numériques) des clubs de football supportent à leurs risques, l'arrêt des compétitions et les difficultés du secteur. Par manque de prévisibilité et d’anticipation, des PME aux TPE pour la plupart, risquent de disparaître du paysage sportif, de mettre de nombreux emplois en péril, voire perdus dans un écosystème en danger.


L'arrêt définitif de la saison assombrit l'avenir de ces fournisseurs, dont la survie est souvent liée à celle des clubs. Ceux-ci sont les moteurs de l'économie régionale. Environ 30.000 emplois indirects sont concernés par les activités dans le secteur du football professionnel.


Mais au-delà des conséquences sur cet écosystème, je tiens à rappeler que ce secteur d’activité sportif fait aussi et principalement appel à de nombreux vacataires, bénévoles, auto-entrepreneurs et micro-sociétés pour des rémunérations qui sont, soit des compléments de revenus réguliers pour les acteurs concernés, soit du chiffre d’affaires en moins. Cela résulte une perte importante des rémunérations mensuelles des salariés pouvant aller jusqu’à la suppression des emplois.

La situation économique des clubs que nous avons vue jusque-là, augure de décisions opérationnelles à prendre : de l’abandon de projets, en passant par des réductions budgétaires afin de limiter les dépenses et les engagements. S’y agrège aussi le flou relatif au monde amateur qui est un gros pourvoyeur de projets d’installations sportives, engagés par les collectivités territoriales avec les prestations de services associés.


Lorsque l’on prend en compte les répercussions sur la totalité de la chaîne de production liée aux activités sportives, se profile derrière la crise économique, une crise sociale qui impactera en priorité les salariés précaires, les auto-entrepreneurs à activité aléatoire, les TPE et les PME dépendantes du secteur.


Indépendamment des contrecoups dues à la pandémie, je tiens à préciser certains aspects qui représentent des comportements irrationnels, pour ne pas dire de prédation de la part des clubs, fragilisant tout l’écosystème des fournisseurs et des prestataires de services dans ce secteur d’activité.


 Par des pratiques datant du siècle passé, l’analyse du montant des dettes auprès de l’ensemble des fournisseurs me laisse interdit. Le montant de la totalité des dettes est à hauteur de 1 228 M€ : ce qui représente plus 1 an de crédit fournisseur ou 375 jours !


À partir de cette observation, je peux en déduire que les Clubs se « font » la trésorerie sur le « dos » des fournisseurs et des prestataires, fragilisant à nouveau ce secteur d’activité.


 6.2- Les institutions locales et régionales


 Les collectivités locales et régionales aident les clubs en investissant dans des équipements sportifs, en achetant des prestations de services et en subventionnant une partie de la formation, cruciale, pour l’ensemble des clubs. Cette même formation, s’appuyant sur un tissu économique important, constitue une autre source de revenu par les transferts de joueurs formés localement.


On s'en doutait un peu, mais l'organisation de l'Euro 2016 de football ne fut pas rentable pour la France. Le bilan économique et fiscal de cet événement pour l'Hexagone est évalué à 1,3 milliard d'euros, à comparer avec le 1,6 milliard d'investissement pour les stades.


 Dans le détail, les retombées économiques pour la France sont statuées à 1,134 milliard d'euros et les rentrées de TVA liées à l'événement à 178 millions, soit 1,312 milliard d'euros. Les coûts de construction ou de rénovation des stades qui accueillirent l'Euro 2016 sont eux quantifiés à 1,639 milliard d'euros.


En réalité, l’opération Euro 2016 été lucrative pour l’UEFA, avec près de 2 milliards d'euros de recettes et 847 millions de résultat net. C'est-à-dire +42,7% par rapport à l'Euro 2012, pour une spectaculaire marge bénéficiaire de 44,2%.


 En comparaison, les villes ont dû se contenter au total de 20 millions d'euros, destinés à être investis dans des équipements pour le sport amateur, alors que leurs charges nettes sont évaluées à 51 millions €. La FFF a touché la même somme puisqu’elle a choisi cette option forfaitaire plutôt que l'intéressement aux résultats initialement prévu. Le lecteur saura  l’apprécier au regard des 40 millions de dotation pour un bénéfice de 847 millions pour l’UEFA.


À l’opposé, de lourdes charges pour les villes confirmées par les rapports cinglants des chambres régionales des comptes pour Nice, Marseille et Lens. Les partenariats public-privé sont étrillés. Les rapporteurs établissent l'ampleur des dépassements et du coût final pour les finances publiques, au profit des parties privées.


À Marseille, la charge nette pour la ville s'élèvera au total à près de 500 M€ - un lourd tribut. À Lens, ce sont les collectivités qui ont dû prendre en charge la quasi-totalité de la rénovation de Bollaert, à hauteur de 70 M€, le club ayant été dans l'incapacité d'assurer sa propre contribution. Y compris le Stade 100% privé de Lyon, qui a permis aux acteurs publics lyonnais de se défaire du risque financier. Ils laissent malgré tout une contribution publique à hauteur de 202 M€, sur un coût total de 632 M€, soit tout de même 32 % du budget à leur charge du secteur public.

Résumons : des stades chers et surdimensionnés, des investissements publics faramineux, un modèle de gestion inchangé, de nouveaux risques de gestion pour les villes et pour les citoyens, pour un budget initialement évalué à 0,9 milliard d'euros, qui s'éleva finalement à… 1,9 milliard.


 Les magistrats de la Cour des comptes regrettent par ailleurs que l'occasion n'ait pas été saisie de « changer le modèle français de propriété et d’exploitation publiques des stades » dans le but de « soustraire les collectivités locales aux risques de gestion et d’aléas sportifs ». Alors que ces aléas ont suscité des factures exorbitantes pour les collectivités à Grenoble ou au Mans, les municipalités dont les enceintes ont été construites ou rénovées, risquent encore de payer la note.


Il existe un autre motif de préoccupation non visible : celui des redevances d'occupation des stades, dues par les clubs utilisateurs à la collectivité, sont dans leur « quasi-totalité inférieures, et parfois dans des proportions importantes, au niveau requis ». Cet état de fait alourdit la charge des villes et les expose à des sanctions de la Commission européenne, qui y voit des aides d'État déguisées.


À Lille et Bordeaux, les contentieux entre les opérateurs exploitants du stade, les collectivités et les contrats de PPP contestés, confirment les travers de ces contrats. Pour quasiment tous les stades, les revenus d'exploitation attendus de la billetterie, de l'accueil de manifestations culturelles ou du Naming s'avèrent bien en-deçà des promesses et des prévisions.


Comme constat, je prendrai la collectivité de Bordeaux Métropole qui a dépensé 7 millions d’euros à organiser l’accueil du rendez-vous sportif de juin 20216 pour… 1,4 million de recettes. Le bilan à charge est donc de 5,6 millions : un Stade de 45 000 Places avec un taux d’occupation de moins de 50 %, un déficit chronique de la part de l’opérateur gestionnaire du Stade, et pour finir, le projet de réduire la capacité dudit Stade à 35 000 places, avec des dépenses additionnelles !


Le diagnostic m’amène à encapsuler ce phénomène par la formule courante énonçant que l’État, la FFF et les institutions régionales ont « socialisé les pertes », à la charge des citoyens et « privatisé les profits » au bénéfice de l’UEFA.

6.3- Les citoyens locaux et régionaux


Que retirent finalement les citoyens locaux et régionaux de cette chaîne de valeur intégrée ?


Sans surprise, lors des grands évènements sportifs, tel l’Euro 2016, les tarifs de la plupart des hôtelleries, restaurations, transports, services de prestations, tous s’envolent au rythme des annonces. La loi de l'offre et de la demande est impitoyable, surtout pour les consommateurs, mais généreuse pour d’autres.


Scrutons ces tarifs finement.


Dans l’univers du stade, bière, sandwiches et autres denrées à des tarifs prohibitifs au vue de la qualité des produits.


5,50 euros pour un hamburger. 4,50 euros pour un hotdog, pour un sandwich au jambon ou un sandwich au poulet. Le sandwich provençal sera à 5 euros. La barquette de frites est à 2,50 euros.


Pour les « menus », une bière Heineken de 50 cl, des mini-saucissons et des chips sont vendus à 9 euros. Le menu hotdog avec frites et une boisson est pour sa part à 10,50 euros.


Pour les boissons, la bière sans alcool est à 5 euros, la Heineken à 6 euros. Les sodas comme le Coca-cola sont à 3,50 euros.


La Ligue 1, c'est 20 euros en moyenne de dépenser par supporter. Le coût moyen du panier du supporter, pour une place la moins chère, pour un adulte (un sandwich jambon-beurre et un soda) est compris entre 18 € et 30 €.

À cette somme, il faudra ajouter le coût du déplacement au stade, les transports en commun et le parking.  

Pour arriver au stade, il faudra débourser en plus les coûts des parkings, forfaits transport, compris entre 3 €  et 15 €.


Pour l’achat d’un éventuel maillot, il faudra ajouter entre 70 € et 100 €.


Voir comment, un match devient un produit de luxe !


Nous savons que ce ne sont pas les seules dépenses. Or, nous avons vu que les droits audiovisuels, en augmentation régulière, vont lésés en premier les téléspectateurs. Les chaînes, pour assurer leur rentabilité, accroîtront leur tarif d’abonnement. De fait, le citoyen deviendra la « vache à lait » des diffuseurs. L’explosion des droits génère des effets pervers pour les chaînes et pour les consommateurs, mouvements qui modifient le modèle économique. En effet, l’inflation du montant des dépenses audiovisuelles engagées astreint les canaux de diffusion payants à revoir à la hausse leurs tarifs pour tenter de rentabiliser leurs investissements. L’arrivée de nouveaux acteurs a contraint les téléspectateurs à multiplier les abonnements, grevant le budget des familles.


Dans le domaine d’une bulle spéculative des droits sportifs, le consommateur payeur, devient l’idiot de la chaîne de valeur intégrée, poussant celui-ci vers des alternatives légales ou illégales de manière à de contourner cette injonction médiatique.


PARTIES PRENANTES EXTERNES AU CLUB 


SYNTHÈSE


Au terme de mon diagnostic de la chaîne de valeur intégrée au sport, appliqué au Football professionnel français, je propose une approche synthétique de ma démarche d’analyse.


En partant des hypothèses émises qui sont les suivantes, je rappelle :


La forme de gouvernance partenariale déployée entre les différentes institutions fait référence à des rapports de force et à des influences croisées. Poussés par la prédominance des enjeux individuels et particuliers, des flux financiers illégaux de l’industrie du sport prolifèrent, liés au dopage, aux paris sportifs opaques et à la corruption en faveur d’une des parties prenantes institutionnelles. D’autres dérives financières prennent aussi de l’ampleur.


Plusieurs causes sont confluentes : la volonté de certains de contourner les régulations mises en place dans leur pays par des prêts fictifs, les joueurs et paiements de contrats d’image aux sportifs via des sociétés situées dans des paradis fiscaux, des abus de biens sociaux et des avantages fiscaux. Ces évolutions traduisent une dépendance accrue des clubs de Ligue 1 français vis à vis de parties prenantes institutionnelles difficilement maîtrisables.


Ce qui se passe à l’intérieur des Clubs me semble plus important que les modifications de son environnement. On relativise ainsi l’importance des jeux concurrentiels pour faire prévaloir ses propres enjeux. Les progrès technologiques favorisent la fragmentation des processus de production des spectacles sportifs. La difficulté des contraintes de coût accroît le recours à des salariés internes et externes peu qualifiés et faiblement rémunérés.

Le développement des technologies a approfondi le fossé entre la valeur ajoutée par les tâches de recherche d’innovation, de conception, de préproduction (comme le marketing, la commercialisation et la médiatisation), de post-production (comme les analyses statistiques, la gestion des data, les retours d’expériences des supporters et des sponsors, d’un côté et celles de la réalisation d’un spectacle sportif de l’autre). La valeur ajoutée se localise dans les tâches situées en amont et en aval de la production.


Les plates-formes numériques des Clubs pilotent les chaînes de valeur, apporte une autre illustration de la répartition de la valeur créée. 


La production du spectacle sportif est assurée par différents employés qui travaillent dans le Club ou autour de celui-ci. La production devient un acte banal, peu qualifié, peu rémunéré, qui consiste à mettre en œuvre les injonctions des managers. 


Le produit spectacle est rendu attractif par les équipes de développement, les animateurs des réseaux sociaux, les Stadium managers, le sponsoring manager, le digital marketing manager, les Community managers, les responsables du Trade marketing, les agents de joueur, les Data Analyst, les médias, la communication et les logiciels associés.


Autrement dit, les Clubs créent et capturent de la valeur en assurant la coordination de l’ensemble des acteurs situés en « pré » ou « post » production, comme les développeurs d’applications, les fournisseurs de technologies numériques, mais également les supporters et les fans répartis dans le monde entier. Dans la mesure où la valeur des services proposés augmente avec le nombre de ses fans et supporters, la création collective de valeur crée des effets de maillage. Les supporters et les fans deviennent des acteurs de la production. Ils sont incorporés dans les clubs, en créant des effets de réputation fondée sur la qualité des prestations de services. L’extension des réseaux est un facteur notable de croissance. Le rythme de croissance d’un environnement numérique est la source déterminante de sa valeur. (Loi empirique de Metcalfe : « L’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. »).


En diffusant rapidement de nouvelles perspectives et offres de prestations à travers l’organisation des Clubs, y compris hors des frontières, les plateformes digitales des Clubs redoublent leur pouvoir sur leur environnement, sur la croissance de leurs  réseaux par rapport aux autres Clubs et aux autres activités sportives. Elles s’approprient ainsi la valeur ainsi créée, activant une dynamique du type « winner-takes-all » et atteignent des positions de référence.


La numérisation confère aux actifs immatériels un rôle prépondérant dans la répartition des revenus au sein des chaînes de valeur dans les Clubs de football. Ces actifs englobent la recherche et le développement, la conception, les innovations numériques, les logiciels, les études de marché, les bases de données, les brevets et les applications qui imprègnent l’ensemble de la réalisation des spectacles sportifs.


En cherchant à identifier les gagnants et les perdants, j’observe qu’un premier clivage se forme entre les Clubs. Sont gagnants ceux qui ont un passé sportif au plus haut niveau, acquis des installations les plus modernes, disposent des plus gros budgets, avec une vision plus globale et leaders sur les applications numériques. Tandis que sont désignés comme perdants les Clubs au passé plus modeste, plus récent, disposant de petit ou budget moyen, insérés plus localement ou régionalement et incapables d’accéder aux actifs numériques les plus innovants. Face à l’incapacité de déposer des brevets ou de pouvoir acheter les solutions les plus performantes, ces Clubs-là s’exposent à leur lent déclin, face à la privatisation des actifs immatériels par les plus puissants d’entre eux.

Autour des individus détenteurs d’actifs - comme les joueurs professionnels et les membres des staffs techniques (hautement rémunérés et mobiles, ayant accumulé des expériences sportives de haut niveau et disposant de pouvoir de négociation démesuré), on rencontre des salariés peu ou faiblement qualifiés, peu rémunérés, peu formés, peu mobiles et sans pouvoir de négociation. Les outils numériques ont accru l’offre de travail, abaissé les barrières à l’entrée sur le marché de l’emploi pour des groupes (qui en étaient auparavant exclus) pour des tâches à faible contenu et avec peu de possibilités d’apprentissage.


Une opposition se dessine donc entre la base productrice, constituée de la réalisation de spectacles sportifs soutenus par du capital pratique (associé à du travail faiblement qualifié) et les décideurs de l’incorporel, centrés sur les applications, les prestations de services innovantes, la transformation des enjeux économiques et des qualifications professionnelles.


En se plaçant en chômage partiel, les clubs seront exonérés de cotisations sociales patronales. Un bol d'air pour leurs finances.


Privés de recettes depuis la suspension du championnat de France, les clubs de football cherchent des solutions pour limiter la casse. Plusieurs ont déjà fait usage du dispositif mis en place par le gouvernement qui élargit le principe du chômage partiel à tous les secteurs d'activité agrémentés d’une allocation plus généreuse.


Concrètement, les clubs cesseront de payer les salaires de leurs employés - dont les joueurs - et leurs verseront à la place une indemnisation chômage à hauteur de 70% de leur rémunération brute, soit environ à 84 % du salaire net horaire. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à 8,03 € par heure chômée. L'indemnité est versée par l'employeur à la date habituelle de versement du salaire et partiellement remboursées par l’État, dans la limite de 4.850 euros par salarié ou 4,5 fois le SMIC.


Les indemnités d’activité partielle versées par l’employeur à ses salariés ne sont assujetties ni au versement forfaitaire sur les salaires, ni aux cotisations salariales et patronales de Sécurité sociale. Elles devraient permettre des réaliser des économies significatives à plusieurs club de Ligue 1 pendant l'arrêt du championnat.

On peut facilement estimer le manque à gagner pour les finances publiques, à hauteur de 20 M€ par mois ajouté cout du chômage partiel pour les Clubs de Ligue 1.


En autorisant les clubs à l’accès à ce chômage et au maintien du salaire de l’ensemble des salariés, les employeurs vont récupérer, en moyenne, entre 15 et 25 % de la masse salariale.  


On peut déduire que le modèle économique du football fonctionne selon des pratiques des multinationales, une partie des salaires et des déficits des Clubs à la charge de la collectivité et des citoyens, et les bénéfices, capturés par les bénéficiaires de la chaîne de valeur intégrée, sont exonérés d’impôts par les largesses des institutions et par leurs agissements délictueux. Utiliser de l'argent public pour financer une partie des salaires des joueurs de football, en sachant qu'il y en a tant de besoin dans beaucoup d'autres domaines plus importants (notamment l’éducation, et la santé au premier plan) semble pour le moins incongru à tout individu sain d’esprit.


Tout cela est sans compter l’impact sur le futur immédiat, lorsque le chômage partiel ne sera plus possible.

Mon analyse a surtout recherché à faire ressortir le choix d’un modèle économique basé sur des enjeux financiers à caractère spéculatif, puis inflationniste. Ils sont la source de facteurs accumulés de risques absolus, systémiques et socio-politiques.


Dans l’optique de conforter mon raisonnement, j’ai d’abord utilisé quelques ratios issus des Rapports de la DCNG sur les comptes des clubs 2018/2019. Puis j’ai réalisé quelques ajustements pour en déterminer une mesure du risque selon le modèle d’exploitation.


 Le premier ratio retenu porte sur la :


 Couverture des salaires ou la mesure de la productivité des salariés


 Ce ratio nous donne à voir quelle part du Total des produits est distribué à l’ensemble des salariés.


 Soit : Masse salariale chargée/ Total des produits récurrents


Salaires sportifs pôle sportif

63%


Salaires administration

10%

 

Pour être plus significatif, je propose de comparer la part des salaires au Total de la Valeur ajoutée produite par l’ensemble des Clubs.


Soit : Masse salariale chargée/ Total de la valeur ajoutée


Salaires sportifs joueurs

95%


Salaires sportifs Staff

15%


Salaires administration

17%

 

Selon ces deux ratios les plus critiques pour les Clubs, je constate que l’ensemble des salaires chargés représentent près des ¾ du total des recettes, et de manière plus significative, pèsent 127 % du total de la valeur ajoutée produite.


Ces deux ratios nous permettent de comprendre la totale dépendance des Clubs à la masse salariale à reverser.

On peut aussi observer que la part des salaires pour l’ensemble du pôle sportif représente 85 % du total des salaires. Cela nous laisse imaginer la redistribution de ceux-ci auprès des salariés du pôle administratif et de facto nous explique la faible importance et la non moins faible reconnaissance des dirigeants accordée à ces personnels-là.


Salaires sportifs joueurs

76%


Salaires sportifs Staff

11%


Salaires administration

13%

 

Pour le calcul de ces deux ratios, je n’ai pris en compte que les revenus récurrents, considérant que les recettes issues des ventes de joueurs étaient trop aléatoires.


En les intégrant, on obtient une configuration similaire des salaires, qui réduit la part de ceux-ci, mais en insérant des revenus contraints.


Un autre ratio nous permet de porter un éclairage singulier sur le fonctionnement des clubs face à leur manque de trésorerie.


Le ratio de la couverture des salaires est particulièrement édifiant à cet effet.


Soit : Masse salariale chargée/Trésorerie disponible


Trésorerie disponible

283 M€


Total salaire

1380 M€


Total salaire par mois

115 M€

2,46


Comme on peut le constater, la trésorerie disponible représente 2,46 mois de la masse salariale mensuelle, y compris les charges. Ce ratio peut sembler rassurant surtout si l’on oublie les conditions dans lesquelles cette trésorerie est obtenue.


J’ai démontré plus avant que les Clubs pratiquent une forme de crédit court terme, non négocié, mais plutôt imposé auprès de l’ensemble de leurs fournisseurs et prestataires de services.


Le total des dettes d’exploitation s’élève à hauteur de 798 M€ pour un montant total d’achats de 715 M€. La démonstration est faite : les Clubs ponctionnent, approximativement 500 M€ d’argent, en considérant un délai moyen de paiement de leurs dettes de 3 mois.


La fragilité d’exploitation est évidente : elle met en relief la dépendance auprès des tiers.


Un autre ratio explique la situation financière à grand risque de l’ensemble des Clubs.


C’est celui de la couverture de la totalité des dettes à court et long terme, y compris les comptes courants d’associés que ne sont que des dettes auprès des actionnaires, comparées aux totaux des fond propres.


Soit : Endettement total/ Capitaux propres

Capitaux propres

889 M€


Endettement total

2 586 M€

291%


Ce résultat s’interprète comme l’ensemble des dettes qui représentent près de 3 fois les capitaux propres.

Une autre information relative à la dépendance des clubs vis-à-vis de leurs actionnaires et de leurs investisseurs peut être mise en avant. Le rapport entre le total des dettes à long terme et les capitaux sert normalement à financer l’ensemble des opérations d’investissement - opérations aussi de long terme. Ce qui m’importe, est de connaître la façon dont sont constitués les capitaux permanents.


Soit : Dettes à long terme/ Capitaux permanents

Dettes à long terme

1090 M€


Capitaux permanents

1989 M€

55%


Là aussi, même constat : il y a une forte dépendance aux prêteurs et aux investisseurs qui apportent 55 % des capitaux permanents destinés aux financements démesurés des opération joueurs.


Je ne ferai aucun commentaire sur les différents ratios de rentabilité puisque, avec des résultats négatifs, toute ambition de mesurer une quelconque performance économique est inutile.


Cependant, il existe un calcul de ratio instructif quant à sa pertinence et sa capacité à mesurer les dimensions de risques d’une organisation. Pour cela, on fait appel à un indicateur, le seul indicateur en « mode management » précurseur de risque, autrement dit ce qui nous permet d’apprécier la sensibilité ou l’élasticité de nos résultats économiques à la variabilité de notre activité.


Il s’agit du : Levier d’exploitation, issu du calcul du Compte de résultat différentiel.


Pour sa détermination précise, j’ai eu besoin de définir quelques hypothèses d’analyse des comptes présentés par la DNCG. Pour cela, il faut identifier les charges variables des charges fixes, en établir la répartition, qui nous amènera au calcul de la Marge sur Coûts variables et nous conduira au levier d’exploitation.


J’ai considéré que l’ensemble des salaires avaient une part fixe de 80 % et variable de 20 %, ce qui est loin d’être le cas selon les données de la DNCG, mais j’ai incorporé l’application des règles du chômage partiel, financé par l‘Etat. Pour les autres charges, j’ai pris en compte 40 % de charges variables, celles requise pour l’organisation des matches et 60 % de charges fixes.


Je précise que, même si mes hypothèses de répartition charges fixes contre charges variables sont inexactes, cela ne produirait que peu d’effet sur mes résultats obtenus.


Au bout de mon calcul, je détermine :

Seuil de rentabilité en %

2 864 M€


Nombre de Jours Point Mort

384 jours, soit 1 an et 3 semaines


Marge de sécurité (MS) en M€

-176 M€


Indice de sécurité en % MS

-7%


Levier d'exploitation : LE

-15


Comme on peut le constater, le seuil de rentabilité des clubs de football Ligue 1 atteint 2 864 M€, soit 200 M€ de plus que l’activité 2018/2019, en incorporant les recettes du trading joueur ; ce qui représente 1 an et 3 semaines. Pour le moment, une année est faite de 12 mois : peut-être faudra-t-il passer à 13, voire 14 mois pour la seule activité football !


On constate une marge de sécurité négative bien entendu à hauteur de - 7 %.


Enfin un Levier d’exploitation de – 15 qui nous indique un niveau de risque si l’on perdure selon ce modèle économique. D’ailleurs, dans cette situation, la perte de 1 % de tous nos produits, amputerai l’ensemble des résultats des clubs de 15 % de résultat ! 


Si nous estimons que pour la saison 2019/2020, la dégradation d’activité sera de l’ordre comprise entre 20 % et 25 %, nous pouvons considérer une perte d’exploitation globale pour l’ensemble des clubs de Ligue 1 comprise entre 378 M€ et 472 M€.


Au final de ma synthèse, je propose sous forme de schéma, un processus d’analyse des risques que j’ai utilisé pour démontrer que mes hypothèses de départ correspondaient bien un état des lieux du Football professionnel. Ce faisant, je montre que celui-ci porte en lui tous les fondements d’un modèle à très hauts risques, loin de toute réalité économique responsable, sociétale et durable.


 J’ai aussi conçu pour cet exercice un modèle de scénario d’apparition des risques inhérents au secteur du football professionnel qui met en évidence l’ensemble des facteurs de risques, depuis leurs origines jusqu’aux conséquences touchant l’ensemble des parties prenantes.


 CONCLUSION


 Pour offrir aux différents clients, spectateurs, supporters, sponsors et diffuseurs une expérience évènementielle homogène et convaincante, la chaîne de valeur intégrée des Clubs doit fonctionner comme une seule et même entité. L'intégration de toutes les parties prenantes dans les processus des divers métiers jouera un rôle essentiel dans la maximisation de revenus et se retrouve au cœur de la chaîne de valeur intégrée.


 La situation d’incertitude consubstantielle au résultat sportif, constitue le fondement du secteur sportif, sa réalité, ses aléas, son imprévisibilité, son indétermination et son mystère. Mais il compose aussi la ferveur, la passion, les émotions qui exaltent l’intérêt du sport spectacle.


 Aujourd’hui, bien que corrélés avec les budgets et le potentiel économique régional, les résultats économiques, sportifs et le classement du championnat doivent intégrer de multiples dimensions, auxquelles toutes les parties prenantes doivent contribuer. Si le plaisir d’un supporter dépend de la qualité technique d’un match et du suspense quant au résultat, il est de notre capacité à explorer d’autres horizons afin de restaurer un spectacle sportif plus ambitieux, plus large et plus attractif.


 S’il est essentiel de recréer des situations d’incertitude tout au long de compétitions attirantes pour les spectateurs et téléspectateurs, il est aussi de notre responsabilité de limiter les risques substantiellement liés aux aléas sportifs


- et à leurs conséquences. L’obligation ces Clubs doit être d’intégrer les imprévus, les aléas sportifs et les incertitudes dans leurs modèles économiques, et en même temps, de ne pas participer à l’inflation des investissements lors des transferts et sur la spéculation salariale des joueurs. Cette dernière participe à l’ajout de risques aux risques sportifs déjà identifiés. Il ne s’agit pas d’imiter les concurrents sportifs, mais de concevoir des scénarios, des alternatives et d’en évaluer les enjeux à long terme.


 Ainsi l’état du football professionnel renvoie au système économique capitaliste qui s’est affirmé depuis quelques deux siècles. C’est la façon dont a été favorisé le développement du système de production de spectacle sportif qui a autorisé des comportements de prédation au nom du profit, niant au passage toutes les parties prenantes qui sont la cause de cette dégradation. Et c’est cela s’apparente à la notion de « capitalocène », proposé par Andreas Malm, professeur d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), et auteur de « L’anthropocène contre l’histoire : le réchauffement climatique à l’ère du capital »(*1), qui vient compléter et préciser la notion d’anthropocène.


Dans les circonstances actuelles, l’examen de la transition économique et sociale s’impose avec une urgence plus grande encore. Désormais invite à une sorte collision entre les engagements de court terme et les orientations à long terme. Des choix urgents, de « court terme », devront être mis en œuvre pour lutter contre l’effondrement de l’économie du sport football professionnel. Pourtant relancer le même modèle économique aux conditions identiques est plus que jamais un non-sens. Bien plus que « relancer » l’économie footballistique, il faut la transformer et la reconstruire. Ou pour le dire plus justement, les réorientations qui seront engagées constitueront les conditions de la transformation et de la reconstruction. Cela implique une conversion radicale, une sorte de désapprentissage des décisions politiques et économiques pour imaginer toutes les alternatives possibles.

 Dans l’immédiat, le redémarrage de la production du spectacle football nous assigne à la survie de tous les acteurs de la chaîne de valeur, à la protection des salariés, des travailleurs individuels, des indépendants, des auto-entrepreneurs, des micro-entreprises, des TPE et des PME.  Ils ont tous de fortes dépendances coagulées à l’activité football. Ils sont tous en situation de précarité, notamment tous ceux qui ne bénéficient pas d’une protection ou de protections très faibles. La recherche de l’unanimité sur l’ensemble de ces dimensions sociales instaurera les conditions du changement du modèle économique et des projets sportifs.


Pour ma part, les changements politiques des Clubs n’ont  de  sens que s’ils incluent déjà des perspectives de long terme et engagent les réorientations indispensables à l’écosystème du football. Selon moi, il nous faut commencer à repenser  les politiques et les orientations économiques des institutions et des Clubs, les organiser et les partager différemment, autour de pôles d’activités essentielles pour tous les acteurs de la chaîne de la valeur, comme : se divertir, participer à des spectacles sportifs, rechercher du sens à nos loisirs, se déplacer sobrement, se nourrir sainement, préserver l’environnement et le climat, rencontrer les acteurs sportifs, partager leurs passions, faire partie d’un groupe social référent, promouvoir  une identité singulière, être acteur des projets et consommer en citoyen responsable.


Pourquoi penser en pôles d’activités ? D’abord parce la notion de secteurs économiques sont les résultats de simples conventions, oubliant l’essentiel. C’est-à-dire ce qu’il nous faut préserver, développer, transformer, participer. Ces regroupements autour de grands pôles permet de repenser les prestations de services, de redéfinir leurs limites, de définir et d’inclure l’ensemble des activités à proposer au marché, toutes ces activités répondant aux attentes des citoyens.


 En pensant en termes de grands pôles d’activités essentielles, on redonne du sens à l’action politique, sportive et sociale comme à l’activité économique en général. Aspect fondamental, il faut en finir avec l’idée que toute activité économique, quelle qu’elle soit, « crée seulement de la valeur financière » (*2). Il faut en revenir au substrat principal, à ce qui doit être au centre des politiques sportives des instances et des Clubs, à l’intérieur des pôles : c’est la recherche du bien commun, du bien à partager.


 Penser par grands pôles d’animations où se retrouvent des activités qui relèvent de toutes les parties prenantes publiques ou privées, d’entités propres et singulières (comme les coopératives, les associations, les entreprises à but non lucratif), permet aussi de promouvoir et de gérer la transition économique, sociale et environnementale dans de nouvelles conditions améliorées. S’engager dans cette transition implique qu’une partie des activités jugées socialement et écologiquement bénéfiques vont augmenter, tandis que  d’autres seront appelées à diminuer. En les associant dans des mêmes pôles, on se donne des marges de manœuvre par des effets de compensation.


 Dans le même temps, pour élaborer des choix politiques et économiques, on ne peut plus s’en tenir aux anciennes bases et compromis qui fondaient la création de richesse des organisations par la mesure de la seule production financière et la valeur ajoutée.


Après cette période d’instabilité et de fortes turbulences, ces notions purement économiques ont perdu leur efficience, eu égard aux fourvoiements dans lesquels leur adoption infiltre les instances et l’ensemble des Clubs. Prenez les ventes de joueurs, dans la comptabilité des Clubs : il s’agit de revenus qui augmentent la valeur ajoutée !


Alors que ce ne sont que des opérations d’exception, tant par leur montant, que par leur incertitude.  Les transferts spéculatifs, sans relation aucune avec les réalités économiques dopent la valeur ajoutée. Les droits audiovisuels inflationnistes, poussés par la concurrence, destructeurs ou appauvrissant les diffuseurs, densifie la valeur ajoutée. Nous voyons bien que nous ne pouvons plus seulement raisonner à partir de ces notions là comme objectifs.  Cette manière de penser nous conduit à l’anéantissement, pire encore, elle peut être mortifère pour la plupart des Clubs. Il nous faut inventer d’autres manières de concevoir et de mesurer en internalisant les externalités, en intégrant toutes les activités dégagées par les parties prenantes intégrées, positives comme négatives, oubliées par les méthodes existantes.


Quand les Clubs utilisent plusieurs dizaines de tarifs pour fixer le paiement des places de spectateurs, au lieu de faire en sorte que chacun paye le maximum de ce qu’il peut payer, sommes-nous encore dans un projet responsable, sociétal et durable ?


 Avec l’évolution que connaissent tous les contributeurs aux recettes des Clubs, tout a été fait pour nous éloigner de la perception du bien commun, précisément l’association du bien commun et des prestations de services proposées, se sont largement dissoutes.


Remettre une gouvernance citoyenne au sein des institutions et des Clubs.


Repenser leur projet sportif et économique, pour renflammer  leur vocation à être au service de tous, aux services de tous les acteurs de la chaîne de valeur intégrée, des plus importants aux plus démunis.

Redonner une voix aux citoyens, afin qu’ils soient associés à la gestion et à la conduite des ambitions des organisations du sport.


Le vrai public, les supporters, les fans, les citoyens n’auraient jamais autorisé les dérives liées aux pratiques salariales, aux transferts mirobolants, aux investissements dans des stades surdimensionnés, négligeant tous les risques inhérents à ces choix décisionnels pris par les Clubs. S’ils ont voix en assemblée, le large et vrai public - les citoyens, ne laisseront plus jamais produire ces détournements. On ne  peut plus longtemps laisser les citoyens en dehors de la conduite des organisations du sport qui sont aussi nos biens communs. Les citoyens doivent retrouver toute leur place dans ces modalités de gouvernance, et en symbiose avec tous les acteurs qui produisent et délivrent les spectacles sportifs. Ils sauront peser et infléchir les choix décisionnels, tant sur les projets sportifs, que économiques et sociaux et faire en sorte que l’accès à ces évènements soit universel, aussi pour les plus précaires d’entre eux - universalité au cœur de toute politique des biens communs.


Je pense beaucoup à des formules ouvertes telles que les assemblées citoyennes, les organisations associatives, les regroupements de supporters et de fans, les collectifs sportifs, à toutes ces formes bienveillantes de gouvernance accessibles à tous, dans lesquelles les citoyens peuvent participer aux délibérations, se réapproprier le pouvoir et la décision. À nous de soutenir toutes les formes nouvelles, émergentes, de cette nouvelle citoyenneté, et de favoriser leur extension et développement.


Et puisque, en tant que citoyens, nous sommes les principaux acheteurs des produits et des prestations de services proposées, nous ne sommes pas dépourvus de moyens pour limiter l’influence des grands prédateurs nationaux et internationaux sur leurs marchés, en réduisant ou en cessant d’accompagner leur comportement destructeur.

Malheureusement, je redoute que l’on oublie vite les leçons de cette pandémie, et que comme sur le climat on fasse bientôt bien plus de « pandémie-washing », que de mise en pratique de mesures effectives et efficaces, adossées à des projets responsables, sociétaux et durables. Cependant, mon espoir provient du fait, qu’il est clair que ce cycle financier libéral est clos. Il s’achève sur une triple catastrophe : sportive, économique et sociale. Jamais les inégalités de répartition de la valeur crée n’ont été poussées à un niveau si insupportable.


 Les difficultés ne résident pas tant dans le rejet du modèle actuel que dans le fait de rendre crédibles les alternatives possibles. Rendre crédible ce que l’on peut faire autrement, que d’autres options existent, est à portée de main. Alors beaucoup de doutes seront levés et les conversions deviendront possibles. Nous devons les formuler, les penser et les proposer pour imaginer une utopie concrète que nous pourrons voir se matérialiser.


C’est dans cet esprit que j’ai décidé de mener cette déconstruction de la chaîne de valeur du football professionnel à laquelle j’ai consacré un engagement personnel singulier. Après ces années 2000-2020, après cette pandémie, il est tant d’imaginer et d’inscrire une perspective crédible, pour montrer au plus grand nombre des supporters, des fans, des spectateurs et des citoyens que l’on peut, que l’on doit, redéfinir et réécrire nos rôles dans la société. Je sais que cela prendra du temps.


Tout le travail sur la « société des communs » - les biens communs - se répand et devient forces de transformation. Je suis, à chaque jour, plus convaincu, que les communs et le retour aux biens communs participeront à conjurer les malédictions. En nous attachant à la résolution des maux que nous connaissons, en donnant forme aux alternatives évoquées, en assurer leur extension et leur développement, le monde footballistique d’après est là, à portée de main. Il dépend de nous d’en accélérer la venue.


 Cela nous amènera à transformer nos modes d’organisations, de structures pyramidales, selon lesquelles les décisions s’imposent, sous forme d’injonction, du haut vers le bas (top-down) des parties prenantes. Je propose d’inverser cette pyramide décisionnelle dans laquelle les orientations seraient partagées par l’ensemble des acteurs des Clubs, et appliquées selon une démarche du bas vers le haut (bottom-up). Les Clubs deviennent les moteurs de ce fonctionnement selon leur vision et leurs missions. Celles-ci sont déployées sur l’ensemble des activités identifiées, les institutions jouant le rôle de facilitateur, d’ambassadeur, de coordinateur et de ressource au service des projets singuliers de chaque Club.


 Selon ce modèle économique, l’objectif est de concevoir une nouvelle organisation, dont la finalité, portée par une vision partagée par toutes les parties prenantes, concourra à la chaîne de valeur intégrée avec tous les acteurs, à la réduction de tous les risques identifiés. Cette construction est établie sur la confiance en l’avenir, pour tous les dirigeants, pour tous les salariés et pour toutes les parties prenantes, associées aux Clubs. Mais l’ensemble des clubs doivent déconstruire leur propre modèle économique, afin d’en imaginer un autre, fondé sur des recettes et des ressources plus stables, plus récurrentes et plus larges, dont l’objectif sera de réduire le degré d’incertitude afin d’abaisser les risques inhérents aux activités sportives.


 Mais pour compléter cette approche, j’ajoute qu’il faudra intégrer une autre dimension, celle de la valeur sociale créée. Pour cela, il faudra bien isoler les mécanismes créateurs de valeur économique des mécanismes créateurs de valeur sociale. Nous devons considérer que créer de la valeur sociale revient à ne pas capturer une valeur économique ou une utilité créée. En d’autres termes, la création de services bénéfiques, reconnus comme valorisables et propices par un club, consiste à faire des propositions de valeur aux sportifs, aux salariés, aux supporters, aux sponsors, aux diffuseurs et aux citoyens - in fine toutes les parties prenantes, sans chercher à maximiser la capture de la valeur créée. C’est ce que nous devrons imaginer. Tout sera différent lorsqu’un Club acceptera de rémunérer équitablement l’ensemble des parties prenantes, mettra son pouvoir de négociation au service d’un projet responsable, sociétal et durable. Ou lorsqu’il interdira à une ou autre des parties prenantes de capturer la plus grande part de la valeur crée par l’activité sportive.


 Reconnaissant l’existence d’un projet partagé, une telle démonstration permettra de ne pas opposer valeur sociale et valeur économique. Il ne s’agit pas d’opposer la création de valeur sociale et la recherche du profit, mais de de considérer que la performance sociale est la condition de la performance sportive et économique. Nous devons démontrer que la création de valeur peut être appréhendée avec les approches de production, de capture et de partage de la richesse créée et que la performance économique et performance sociale est subsidiaire.

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » (article 1er de la Déclaration de 1789).


 Sources :

Mediapart : 27 JUIN 2020 - PAR GUY BULIT - BLOG : LE BLOG DE GUY BULIT

(*1) Andreas Malm, professeur d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), et auteur de « L’anthropocène contre l’histoire : le réchauffement climatique à l’ère du capital ». (Éd. La Fabrique, mars 2017)

(*2) Débats pour le renouvellement de la théorie critique, sous la direction d’Éric Martin et Maxime Ouellet « La tyrannie de la valeur ». (Ed. Collection Théorie - Librairie Decitre, 2014)

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